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QUESTIONS ETHIQUES ET CLINIQUES - DECEMBRE 2014


De la présentation de malades à la présentation clinique




 

 

 

De la « présentation de malades » à

la « présentation clinique »

 

                                                                       Docteur JEANVOINE Michel

                                                                       Journées cliniques EPCO-Collège de Psychiatrie

                                                                       Poitiers, 13-14 décembre 2014
Texte établi à partir de l'intervention orale

 

       Le travail que je vous propose ce matin, en conclusion de ces journées stimulantes, vient sous le titre: « De la  présentation de malades à la présentation clinique ». En effet on y entend assez bien qu’entre « la présentation de malades » et « la présentation clinique », il y a une discontinuité; ça n’est pas la même chose, il y a comme une torsion. On va qualifier ça de « torsion », ça me semble être tout à fait le bon mot. Il me paraît adapté parce qu’il fait aussi référence à des questions d’ordre topologique. Donc il y aurait là une torsion, une torsion à lire.

        Cette torsion n’est pas qu’historique. Les « présentations de malades » ont bien une histoire, nous l’avons entendu dans ces journées. Mais celle-ci - cette torsion- n’est pas seulement qu’ historique, c’est-à-dire à lire dans une dimension diachronique. Elle est aussi à lire, d’une certaine manière, dans la synchronie même du travail de présentation. Parce qu’il a été aussi dit ce matin, qu’avec la présence du regard, que la question de l’enseignement d’un savoir et d’une sémiologie est encore, et toujours, quelque chose qui appartient pleinement au travail de présentation clinique. Mais ce qui va faire l’intérêt de l’affaire, c’est qu’autre chose habite cette présentation ; et que cet autre chose va lui donner son véritable statut. Et cet enseignement devient alors autre qu’un simple enseignement universitaire en devenant, pourquoi pas, habité par quelque chose qui fait transmission: une « présentation clinique ». En quoi celle-ci est-elle alors capable de passer au statut de la transmission ?

Alors qu’est-ce qu’une transmission ? Une première question nous est alors posée. Celle-ci pourrait-elle s’éclairer à partir de ce travail de présentation? Il est en effet probable que des éléments de réponse viennent à nous. Mais comment et lesquels ? 

Alors que se transmet-il, dans quelles conditions, et pourquoi cette transmission ? 

            Mais avant d’avancer dans le dépliage de ces questions il faudrait aussi ajouter qu’une présentation clinique a bien encore autre chose que des effets d’enseignement et de transmission puisque celle-ci se construit au sein d’un espace qui n’est pas du tout quelconque puisque c’est à l’intérieur- en général mais pas toujours, comme par exemple pour Bernard DELGUSTE à OTTIGNIES en Belgique- des murs. Que le mur, enfin dans ma clinique, que la question du mur est absolument essentielle. Parce que dans la problématique du mur viennent se nouer des éléments qui ne sont pas du tout quelconques en ce qui concerne la clinique de la psychose ; sont présents des enjeux qui touchent au plus près notre clinique. Et dans cet espace, à l’intérieur des murs, il y a des soins, et que cette pratique de la présentation clinique a aussi des effets dans la dimension du soin, pour le patient cette fois-ci.

         Cette transmission et cet enseignement trouvent leurs effets déclinés à chaque fois chez chacun. Pas seulement chez le patient ou l’équipe soignante comme je viens de le rappeler à l’instant, pas seulement chez les quelques-uns qui sont là silencieux à l’écoute de ce qui se dit mais aussi chez le présentateur qui est là, dans ce travail, en position de quoi ? On ne l’a pas encore dit, enfin on l’a évoqué ce matin, mais on ne l’a pas dit exactement comme cela. Il est, ce présentateur, dans une position d’analysant dans le dispositif. C’est bien ce qui peut être dérangeant pour quelques-uns qui auraient une certaine conception de la psychanalyse. Il est là en position d’analysant, c’est assez manifeste.

         Donc pour le patient, il peut y avoir tout d’abord des effets dans la dimension du soin dont il faut pouvoir rendre compte. Il peut arriver que le diagnostic médical puisse s’en trouver précisé, que la thérapie médicale puisse s’en trouver ajustée par les conséquences qu’en tire l’équipe médicale.

         Mais comme cela a été montré, et très bien évoqué hier par le travail de Marie-Hélène PONT- MONFROY, il y a des effets autres et des effets dans la constitution de ce que l’on pourrait appeler- ce sont des questions, et cela va rester en chantier- d’une suppléance.

         Il y a donc des effets, et il y en a vraisemblablement encore d’autres qui ne sont pas ici évoqués. J’évoque là, puisque cette  pratique appartient à la vie sociale et collective et se situe au sein d’une institution, les effets que ce travail peut porter dans le dispositif même de l’hôpital, dans l’institution, voire des effets bien au-delà, dans le champ de l’administration…etc.

         Ceci pourrait-il avoir aussi des effets jusque chez les adeptes de ces « développements professionnels continus », dont il a été aussi question dans ces journées, parce qu’en acte, avec ce travail, la  réponse qui se propose comme un écho à ce qu’ils viennent nous proposer comme injonction, est l’ouverture d’un discontinu capable de faire enseignement et transmission. 

         De ce dispositif et de ses enjeux, nous aurons à en préciser les termes.

         Que s’y passe t-il ? Qu’aurions nous à y prendre au sérieux, c’est-à-dire à mettre en séries. Alors bien souvent se trouve convoquée une théorie déjà constituée hors de ce  champ pour venir en éclairer les enjeux, comme la théorie analytique par exemple, si celle-ci existe… Ne serait-il pas préférable, à partir du champ de travail qui est le nôtre dans ces présentations, à partir de cette pratique et de ce travail, d’en inventer une lecture à partir des éléments cliniques simples et solides dont nous avons entendu parler ce week-end ?

         Et nous avons entendu parler de quoi ? Comment s’initie ce type de pratique ? Modestement, en parlant à plusieurs, avec d’autres, dans le collectif. C’est un travail dans l’institution, et c’est un travail avec d’autres, avec l’autre de l’institution. Que l’initiative en vienne de l’institution, ou de son autre, qui lui fait cette proposition. Je vais donc en passer forcément, pour faire ce travail,  avec qui? Avec l’autre, et en consentant à parler avec lui ! C’est-à-dire qu’il y a là comme une boucle. Il faut bien que j’en passe avec et par l’autre pour que quelque chose se construise ; pour que quelque chose s’invente il y faut cette boucle, ce passage par l’autre, qui n’est pas seulement le semblable mais aussi l’Autre, puisque nous sommes amenés à parler.  

    Le fait de parler c’est s’engager dans cette dimension Autre. Il y a donc quelque chose à enjamber où il y faut du courage, et qui ne va pas sans l’angoisse. Signe que du réel est en jeu. C’est ce « faire avec l’autre » qui est intéressant,  parce qu’on sait bien, pour en voir tous fait l’expérience que dans ce passage à l’autre, ça ne colle pas, il y a du malentendu, il va y avoir du malentendu. Jacques LACAN nous l’a appris. Il n’y a pas de rapport, pas de rapport sexuel soutient-il. La passion amoureuse en est la meilleure illustration. Nous en faisons, avons fait, enfin c’est à souhaiter, tous l’épreuve. La vie sociale en passe par l’autre et par le langage .C’est sa définition même. Et là le malentendu va venir fleurir au lieu de ce gap,  de cette disjonction, de cette coupure entre ce « l’un et l’autre » et de ce « l’un qui ne va pas sans l’autre ». C’est cette coupure qui va mettre l’un et l’autre au travail, qui va nous mettre au travail. Et cette coupure va devenir le lieu où une invention devient possible. C’est aussi ce qui fait qu’à chaque fois une séquence temporelle s’ouvre où la dimension d’un temps logique est mise en jeu. C’est d’un après- coup - parce qu’à chaque fois il y aura un après-coup – qu’un enseignement peut se tirer et une transmission opérer. Un après-coup de quoi ?  De ce qu’on a voulu d’une manière aveugle, engager, et engager avec l’autre. Le propre de cette boucle par l’autre est qu’elle engage un destin qui ne se maîtrise pas, mais qui déplace. Après ça n’est plus comme avant.  C’est faire avec quelque chose qui nous échappe, c’est faire avec quelque chose qu’on ne maîtrise pas, et donc engage du même coup une séquence temporelle qui ouvrira sur une conclusion temporaire. 

      Là, ce que j’évoque, c’est simplement une lecture clinique, soit le choix d’une mise en série. Ce sont des constats simples, des constats dont nous avons pu parler ce week-end. La spécificité de cette lecture repose seulement dans leur mise en série Que ce constat prenne une valeur tout à fait spécifique pour nous qui sommes à l’intérieur de l’hôpital, cela est certain. En effet cet autre où aller le chercher ? Au-delà du mur ? Et c’est le mur qui spécifie l’hôpital psychiatrique, lieu du placement fermé. L’autre, en général-pas toujours, il y a des variations, des nuances- dans cette affaire et dans la construction d’une présentation, il est cherché de l’autre côté du mur. Et ce mur de la folie prendra le statut particulier de venir au lieu même de ce gap, de cette coupure entre l’un et l’autre, de chaque côté du mur. De fait, c’est ce mur qui, d’une certaine manière, induit le travail et s’y trouve mis au travail. Les conditions sont alors réunies pour qu’une invention puisse naître- c’est-à-dire à chaque fois la singularité d’un lieu de présentation- et un savoir se construire.

       Dans ce que j’évoque là, avec la question de l’un et de l’autre, de cette disjonction, il y a là- c’est une lecture que je vous propose-il y a là une lecture et qui est une lecture tout à fait homogène à l’embarras que rencontre le patient ; et son embarras majeur, du jour, est de se trouver placé entre ces quatre murs de l’hôpital.

       Mais plus profondément de quelle nature relève l’embarras de ce patient ? Je ne vais pas employer les termes de la tradition analytique. Mais il est possible de repérer que l’embarras de ce patient tient au fait de ne pas pouvoir faire avec ce qui spécifie la vie en collectivité. Il ne peut plus y vivre. Dans le collectif, une séquence se conclut pour lui et une nouvelle s’ouvre, différente, puisque le voilà placé entre 4 murs. Ce collectif s’est animé  autour de lui pour le saisir et le mettre entre quatre murs. Voilà, c’est un fait, ça se passe, ça s’est passé comme ça pour lui, c’est son expérience, ce qu’il rencontre ce sont les quatre murs. Et ceci dans la version la plus civilisée où cette rencontre ne prend pas la figure de la mort réelle. Le voilà placé de l’autre côté du mur. C’est-à-dire que sur le point évoqué il y a un instant de l’articulation de l’Un à l’Autre et de ce passage par l’Autre, il est dans une difficulté majeure qu’il n’a pas pu traverser. Il ne dispose pas de ce savoir-faire qui lui aurait permis de se soutenir dans ce collectif. Il y a quelque chose, là, qui lui fait défaut, qui le met dans une incapacité à se tenir dans un certain type d’ordre organisé par le langage et nous dirons, en suivant J.LACAN,  par le signifiant. Il se trouve donc du même coup derrière le mur, livré à des constructions que le sens commun va qualifier de « délirantes » et où il est possible de lire et entendre comment son propos, avec et dans la construction de son délire, sera celui d’essayer de trouver des passages, de trouver des solutions, de trouver des suppléances à quoi ? Si nous voulons bien accepter de considérer qu’au lieu de cette articulation entre l’Un et l’Autre opère une fonction qui rend possible l’acception du non-rapport et son expression la plus commune, à savoir la déception et le mécanisme du deuil, nous pouvons soutenir que le jeu de cette fonction est alors essentiel à la vie sociale pour tout être parlant et conditionne la manière dont celui-ci y prend place. Or dans le cas présent, avec ce patient entre quatre murs, nous pouvons considérer que ses inventions « délirantes » viennent faire suppléances à cette fonction qui ferait pour lui défaut et l’aurait ainsi introduit à ces embarras.

Par ailleurs, et du côté de l’institution qui consent à s’ouvrir et à se mettre au travail  avec l’autre, tout se passe, ou tout pourrait se passer- et ça n’est pas à chaque fois le cas, chaque présentation a son histoire- comme si ce dispositif de présentation clinique allait participer du creusement de l’institution. Faire en sorte que cette institution soit habitée par un trou, par un échappement, par une perte dans ce passage par l’autre, et qu’elle puisse consentir à cette perte. Il y a là quelque chose qui vient faire écho du même coup au questionnement insu du patient et qui lui tombe dessus. Les enjeux dans lesquels est pris le patient, et les enjeux institutionnels de la construction d’un tel dispositif sont-ils voisins ou semblables ? Ceci ne vient-il pas faire écho et illustrer le propos freudien dans « Massenpsychologie » ?  FREUD nous dit que ce sont les mêmes lois qui organisent la vie sociale et qui organisent la vie psychique. Ce sont les mêmes lois. Comment et en quoi ? Il me semble que nous pouvons en faire ici la lecture et que nous en ayons là une illustration. Un corps s’organise autour d’un  trou. La psychose vient interroger la validité de ce trou. L’institution, elle, consent, ou pas, à installer ce trou en son cœur et respirer. Et je me demandais en écoutant le propos de Marie-Hélène PONT-MONFROY hier, si justement ce type de suppléance évoquée pouvait se donner à être entendue dans un travail de présentation clinique voire même, pour ce travail de présentation, de participer à la construction d’une telle suppléance, c’est-à-dire aussi à la valider d’une certaine manière. Je me demande si la présence de ces effets ne tient pas tout simplement à cette raison que le dispositif des présentations cliniques repose dans son essence, dans son être, sur ce même type de construction et sur ce même type de logique. Que l’institution, mais pas seulement, consente à ce trou doit participer de ces effets chez le patient.

Voilà une de mes questions. Ma question d’aujourd’hui.

Et avec cette lecture nous prenons la mesure du comment - que cela soit au niveau du sujet, comme au niveau de l’institution- ce qui est opérant opère ? Qu’est-ce qui opère ? C’est bien la question du trou et de la perte assumée.

            Alors, si cela vaut, cela pose la question de l’institution comme l’avait posée immédiatement Steve LAFAURIE au début de ces journées. Il l’avait posée d’emblée en questionnant la nature du travail dans l’institution, et soulevant la question du courage nécessaire pour faire qu’une institution vive, parce que si une institution vit c’est aussi parce qu’elle respire et celle-ci ne va-t-elle pas respirer par ce type de trou ? C’est par ce type de trou qu’elle va trouver d’une certaine manière son véritable statut et s’assurer dans ce qui la fonde. Et à chaque fois, comme pour le patient qui est à chaque fois obligé de tresser son invention et faire valoir l’invention de cette suppléance qui peut être la sienne, l’institution va  être obligée de réinventer cet espace-temps pour que ça opère. C’est-à-dire qu’à chaque fois ce passage par l’autre est à réinventer. Il doit rester vivant. Il y a là quelque chose de neuf, qui nous surprend et qui nous déplace, à chaque fois. D’où l’extrême fragilité de ces lieux.

      Enfin, ce sont là des conditions pour qu’une telle pratique trouve ses effets. S’il n’y a pas de réinvention il ne peut y avoir d’effets. Nous nous trouverions alors dans l’extension du continu d’un modèle, comme je le pointais il y a quelques instants. Mais ici il y a un avant et un après. Par exemple, créer et développer, mettre en place ces différents lieux, ne peut pas relever de l’application d’un modèle mais ne peut qu’être laissé à l’initiative de celui qui la prend, qui s’y autorise, qui en a le courage, avec quelques autres. Parce que là, il faut avoir du courage pour soutenir ce discontinu au travail, qui fait enseignement, et seul, fait transmission.

       Alors quelles conséquences ?

       J’ai abordé la question du mur qui, pour moi, est absolument centrale. Ce mur qui vient faire frontière. Or nous nous apercevons que ce mur qui fait frontière peut prendre un autre statut si celui-ci vient bien occuper le lieu de cette articulation entre l’un et l’Autre, le lieu du non-rapport. C’est-à-dire que cette pratique qui met en jeu l’autre de l’institution participe à civilisation de ce mur et introduit du même coup le patient à tout-à-fait autre chose. Prendrait-il statut de littoral ?  Ici il est possible d’en rendre compte, si nous le voulions, à partir et avec la topologie. Cela me semble tout à fait important.

Et c’est en cela que ce type de travail, avec cette torsion en jeu dans une présentation clinique, peut contribuer- est-ce un premier temps possible ?- à un travail de psychothérapie. Le patient, pris dans cette étoffe animée par la perte et le trou, peut y prendre un appui et trouver le chemin de la constitution du ressort d’une suppléance qui sera son invention à lui. C’est en cela que l’institution, en elle-même, par son style, est peut-être capable de participer au soin et de cette invention…

         J’avançais tout-à-l’heure l’idée que la présentation pouvait apporter des éléments de réponse à cette vaste question de la transmission. Qu’est-ce qu’une transmission ? Elle est déjà autre chose qu’un enseignement. Et si une présentation clinique, telle que je peux vous l’amener aujourd’hui, est bien de l’ordre d’un évènement où chacun s’y trouve engagé à une place qui n’est pas la même- chacun n’est pas à la même place, mais chacun à sa place s’y trouve engagé- celle-ci ne met pas en jeu un modèle mais à chaque fois une invention, un événement singulier. Il s’agit d’autre chose que d’un enseignement; s’il est engagé il l’est par son désir, ce qui donne un style certain à ce travail. Il y a là une séquence logique avec ses effets qui s’ouvre, et ce type d’engagement partagé va laisser, dans un après-coup, des traces. Cela ne relève pas d’un mouvement de l’intellect mais d’un engagement désirant. Chacun va être engagé par son désir dans l’affaire, donc il en sortira avec des traces et on peut donc tout simplement penser qu’il y a là un travail d’inscription, de constitution de traces qui vont faire transmission quant à quoi ? Quant à justement cette rencontre tout à fait particulière, faite dans le cadre de ces présentations cliniques, qu’évoquait Alain HARLY  avec le réel en jeu tout à l’heure dans ces présentations cliniques. LACAN nous a appris que le réel «  ne cesse pas, de ne pas s’écrire », mais le réel aussi, certes, s’il ne cesse pas de ne pas s’écrire, est aussi du possible en attente de s’écrire. Aussi s’écrit-il et peut-il être pris en compte. On le compte. Et le travail de suppléance du patient ne serait-il pas sa prise en compte, à chaque fois répétée. Et que fait l’institution quand elle se donne un tel lieu, en soutenant des présentations cliniques? Serait-ce autre chose que cette prise en compte ?

       Et si le terme de « présentation » me convient, plutôt que celui de « leçon clinique » » - et c’était ta question Rima?- c’est pour faire entendre que nous ne sommes pas dans une représentation, mais tout d’abord dans une présentation. Ce qui est  tout autre chose,  puisqu’il y aurait la prise en compte d’un réel par la mise en jeu d’une fonction qui caractérise le fait d’être parlant, qu’on le sache ou pas.  

      Avec ces journées, la preuve est faite que pour mettre en œuvre ce travail, ce passage par l’autre, chacun peut s’y autoriser s’il en a le désir. Chacun peut s’y risquer en sachant que du réel est en jeu. En sachant qu’un travail s’inaugure. Pas besoin d’être analyste, même si pour celui-ci son travail est aussi  de prendre ses repères dans ce qui s’y trouve en jeu. Le travail de l’analyste ne va pas sans cette prise de repères. Et je voudrais dire un mot, puisque ceci a été évoqué dans ces journées, sur la résistance à ce travail, et résistance qui vient d’un certain horizon. En effet certains analystes ne sont pas en accord avec ce travail de présentation. Et bien souvent ce sont les mêmes qui se dispensent d’un tel travail et qui dénoncent le recours au DSM que pourtant ils promeuvent par leur abstention devant un tel travail clinique. En effet des freudiens dits « orthodoxes » contestent ces pratiques. Mais pas seulement. Une certaine résistance venait de l’intérieur même de l’Ecole Freudienne. Et il est vraisemblable que ce discord assez profond au sein de l’Ecole Freudienne portait également sur la nature de l’objet. Cette pratique suppose, de fait, une certaine conception de l’objet que J. LACAN  s’est efforcé de formaliser; ses derniers séminaires en sont l’expression la plus vive. La question de l’objet, de la nature de l’objet, pas seulement comme trou, mais comme lieu de l’impossible semble se trouver au centre de ces atermoiements.  Mais tout ceci est le travail des analystes. C’est leur travail. Je n’irai donc pas au-delà, aujourd’hui.

     Simplement dans cette affaire là, comme il l’a été très  bien dit et manifesté, cette pratique ne tient ses effets qu’à ce passage assumé par la dimension de l’Autre et de l’autre.  Voilà le point que je voulais accentuer et dont je voulais dégager quelques plis.

     Alors, certes, comme tu le disais Alain, nos journées, une fois de plus, sont comme un ouvrage, le tissage d’un tapis. Elles sont comme un métier, nous mettons tout cela sur la table, il y a des fils qui pendent, nous consentons à tisser sans avoir le modèle du tapis qui pourtant s’en produit... C’est ce que nous avons essayé de faire ce we, un peu de tissage. Et nous allons continuer de tisser, chacun dans son coin, avec d’autres, et puis on se retrouvera très certainement pour en reparler, avec des idées nouvelles, et avec ce qui se sera produit dans l’après-coup. On verra bien jusqu’où ce tissage nous emmène, je n’en sais rien. Voilà en tous cas ma réflexion du jour.

 



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- Auteur : JEANVOINE Michel
- Titre : De la présentation de malades à la présentation clinique
- Date de publication : 02-04-2015
- Publication : Collège de psychiatrie
- Adresse originale (URL) : http://www.collegepsychiatrie.com/index.php?sp=comm&comm_id=165