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FIGURES DE LA MÉLANCOLIE - JANVIER 2017


Une clinique de la mélancolie




  

 

 

 

Une clinique de la mélancolie.

Quels enseignements ?

 Remarques et conséquences.

 

 

Journée clinique du Collège de Psychiatrie

à Henri EY

28 janvier 2017

Michel JEANVOINE

 

 

 

  Cette journée a été l’occasion d’évoquer un certain nombre de points importants et je vais être amené dans mon propos à en réévoquer quelques-uns.

  Au début de cette matinée Jean Garrabe à traité de la question des figures de la mélancolie dans l’art et la médecine. C’était le titre de nos journées.

  Il nous  faisait remarquer que s’il y avait un fil dans tout ceci, dans tous ces champs épars,  la mélancolie s’en proposait comme le fil. En effet la mélancolie semble bien s’en donner comme une commune mesure. Et ceci est à souligner.

  Cette commune mesure, introduite par notre lecture, semble, avec le recul que nous pouvons prendre, toucher à une problématique précise, celle de l’objet. C’est ce qui avait retenu J. Lacan et lui avait fait donner tant d’importance, dans son travail, à ce texte lumineux de Freud «Deuil et mélancolie». Cela touche en effet à la question de l’objet tel que Freud pouvait le mettre en place, à l’objet qui nous fait parler, qui nous fait causer. Cet objet « cause du désir » qui commande nos comportements, notre désir, notre vie. Qui travaille également, d’une manière plus ou moins énigmatique, notre culture et le mouvement de torsion de la civilisation qui est la nôtre.

   Je faisais la remarque ce matin que cet objet est bien singulier et qu’il faudrait en préciser quelques caractéristiques. Lacan après Freud, et avec ses avancées, s’y essaie et il le nomme et l’écrit pour une toute première fois « a ». Les paradoxes de cet objet sont très singuliers. Chacun peut les rencontrer dans la vie amoureuse ; mais pas seulement! En effet que se passe t-il lorsque un sujet s’autorise à faire sien cet objet manquant et donc désiré? Que se passe t-il à partir du moment où il donne consistance à cet objet? Il se passe cet événement singulier que quelque chose va venir, d’une manière ou d’une autre, venir lui dire non. Ca n’est pas tout à fait ça, c’est autre chose qui organise ton désir! Cette expérience est régulière et J. Lacan a fini par dire, et soutenir, qu’il n’y avait pas de rapport sexuel à partir du moment où l’être parlant est pris dans un monde organisé par le signifiant. C’est-à-dire non seulement dans un monde de la discontinuité mais un monde où un élément ne prend sa valeur que dans un jeu d’oppositions. C’est objet est bien particulier et J. Lacan a pu le dire très tôt: il n’a pas d’image, pas d’identité à lui-même. Comment alors en parler et en rendre compte ? Pas d’image et pourtant il est là présent dans l’image spéculaire où l’enfant vient cristalliser sa première identification. En faisant trou il l’ordonne et lui confère du même coup son pouvoir identificatoire. Pas de consistance à cet objet. Et quand nous essayons de lui en accorder une il n’est plus là où nous pensions le rencontrer.

  Je ne sais si cela appartient à l’histoire de l’art mais voici ce que nous appelons une main négative. Elle est très belle, elle a 36000 ans et vient de la grotte Chauvet. Vous en parler n’est pas sans rapport avec notre question et n’est pas sans m’émouvoir. Très tôt l’homme parlant, que nous appelons pourtant préhistorique, a su venir témoigner à sa manière de cette question qui était la sienne et qui est toujours la nôtre. En appliquant la main sur le mur et en soufflant un peu de rouge celui-ci vient inscrire le négatif d’une main, reste d’un souffle de vie. Cette trace est bien singulière, puisque son statut ne tient qu’à ce jeu d’opposition. Inscrire ce négatif de la main. Déjà, avec cette première trace, l’homme parlant vient témoigner de la problématique du signifiant dans laquelle il est pris et qui pour une première fois se trouve assumée. Une première manière de symboliser l’absence? L’un ne va pas sans l’autre, comment donc en rendre compte ? Et c’est au lieu des puissances chtoniennes que cet homme vient la célébrer et ainsi s’autoriser de son acte.

     Nous sommes aujourd’hui toujours pris dans les mêmes questions. Lacan avance, à sa manière, avec le trait unaire.  Mais chacun d’entre nous, chaque patient, traite à sa manière et à son insu de cette même question. En effet comment se soutenir dans cet ordre signifiant de la discontinuité ? Chaque parlêtre n’est pas sans en savoir quelque chose puisque c’est avec ce savoir qu’une défense se construit, qu’un symptôme se construit. Et cette logique du trait, de sa fabrique, n’est pas n’importe laquelle. C’est à celle-ci que nous devrions être sensibles dans notre clinique.

     Il y a donc là une logique et c’est toujours en suivant Freud et J. Lacan que nous frayons notre chemin.

     Revenons à cet article de Freud « Deuil et mélancolie » que Lacan a su, de son côté, commenter. J’avais déjà pu vous en dire quelques mots dans l’introduction de nos précédentes journées de février dernier. Et je vais essayer d’avancer sur ce fil.

     Cet article a son importance. Et pour plusieurs raisons. Non seulement pour les repérages essentiels que Freud nous propose mais pour les indications qu’il veut bien nous donner quant à sa manière de travailler la clinique qui n’est pas sans rapport avec ce que nous évoquions à l’instant : donner corps par la trace, par le trait, à ce qui échappe. Son travail avance en effet en laissant un bord qui appelle la déduction et la prise en compte du jeu de la négation. C’est de cette manière que « Deuil et mélancolie » est construit et qu’un pas et un éclairage peuvent s’en produire. Il oppose le deuil et la mélancolie. Il y va de cette intuition que le deuil n’est pas la mélancolie. Comme s’il y avait dans cette opposition la possibilité d’un repérage à prendre, et une écriture à produire, susceptible de déplier cette question si complexe.

     Que serait alors un deuil réussi selon Freud ? Il y a ces deuils qui se font assez facilement dans  une séquence temporelle assez courte et puis ces autres deuils compliqués, qui peuvent prendre des allures mélancoliformes et qui surgissent chez certain sujets et dans certaines situations. Ce n’est seulement que dans un après-coup que nous pourrons qualifier cet épisode de deuil et que nous pourrons soutenir qu’il n’y a pas de processus mélancolique. Je pense à ce travail présenté mercredi soir dans nos soirées cliniques à propos du livre « Mémoire de fille » d’Annie Ernaud. Un deuil s’est bien inscrit mais après toute une séquence temporelle longue et compliquée. Compliquée parce que la logique qui la tresse relève d’une lecture qui n’est pas facile.

     Alors quid du travail freudien de deuil ? Qu’est-ce qui le spécifie? Il va essayer d’en rendre  compte avec son énergétique, la libido. Le sujet, manquant, investit libidinalement un objet réel, objet d’une pulsion qui en  fait le tour en donnant à cet objet le statut de représentant de l’objet de son désir. Le sujet a alors à faire à l’ambivalence amoureuse que Freud a décrite. Puisque si cet objet est désigné comme l’objet de son désir quelque chose va venir faire retour et lui indiquer que ce n’est pas tout à fait cela ; d’où l’ambivalence que la névrose va venir gérer à sa manière, pour l’obsessionnel ou pour l’hystérique. Comment faire en effet avec ceci que l’objet est un trou et n’a pas d’identité à  lui-même ? Il arrive que cet objet réel se dérobe et le sujet se trouve alors renvoyé à la nécessité libidinale d’un remaniement. C’est-à-dire à la nécessité d’investir un nouvel objet. Que se passe-t-il dans une telle opération ? C’est là où il nous faut porter notre attention. En effet Freud nous dit que dans ce processus de deuil un trait caractérisant cet objet libidinal perdu réellement et le représentant vient habiter ce moi du sujet qui le fait sien. Freud parle alors d’identification : identification à « l’einziger Zug » que Lacan traduira par trait unaire. C’est le trait de l’absence même à qui il est donné, par ce trait, une première consistance. Les chaînes langagières de représentation de choses sont alors au travail et une nouvelle réalité ordonnée autour d’un nouveau bord se constitue. Ce travail prend un certain temps, le temps du « travail de deuil ». Travail qui peut se trouver compliqué et prolongé dans certaines situations comme je l’évoquais tout-à-l’heure. Un deuil réussi suppose un avant et un après. En effet le sujet et son moi ne sont plus tout à fait les mêmes. Dans l’entre deux il s’est passé un travail d’écriture qui fait de son moi un nouveau moi puisque celui-ci s’est chargé d’un nouveau trait venant témoigner de ses anciens  investissements, et du sujet un « neue Subjekt ». Il faut remarquer et noter que ce travail d’écriture se produit chez le sujet en deuil et qu’il arrive que ce travail de genèse ne se fasse pas là où une consistance déjà constituée s’imposerait comme telle. Nous y viendrons tout-à-l’heure.

    Et puis il faut noter que ce travail de remaniement, toujours à la différence de ce qui se passe dans la mélancolie, ne va pas sans un travail de sublimation. C’est un sujet difficile et bien complexe. Nous en parlerons un mercredi soir en discutant le livre Erik Porge (« Le ravissement de Lacan »). Cette sublimation vient nous indiquer qu’un véritable travail d’assomption du manque- manque caractérisant l’objet-  vient contribuer à faire de ce moi un moi habité par sa dimension d’être parlant ; d’où ce travail civilisateur ordinairement reconnu au travail de la sublimation. Par ailleurs le corps, dans cette traversée du deuil, n’est pas sans s’en trouver revisité dans ses fonctionnalités. Il nous faudra revenir par ailleurs sur ces questions.

    Il y a donc là un travail d’identification et il nous faut bien en déduire que ce travail qui rend possible ces identifications relève de ce qu’il nous faut bien considérer comme étant d’une fonction qui caractérise la prise du sujet dans l’ordre du signifiant: fonction dont nous avons à proposer et à soutenir une écriture.

    Et dans la mélancolie ? Poursuivons la lecture de ce texte de Freud.

    Nous avons une nouvelle traduction de ce texte par Jean-Pierre Rossfelder. Celle-ci a cet intérêt de traduire « Wir sehen bei ihm, wie sich ein Teil des Ichs  dem anderen gegenüberstellt, es kritisch wertet, es gleichsam zum Objekt nimmt. Unser Verdacht, dass die hier vom Ich abgespaltene kritishe Instanz auch unter anderen Verhältnissen ihre Selbständigkeit erweisen könne, wird durch alle weiteren Beobachtungen bestätigt werden. »  par « Chez lui nous voyons comment une partie du moi se confronte à l’autre, l’évalue de façon critique, la prend du même coup pour objet. Notre soupçon, que l’instance critique ici clivée du moi puisse montrer aussi son autonomie dans d’autres circonstances, sera confirmé par toutes les observations à venir. » « L’instance clivée du moi » voilà ce qui me paraît, aujourd’hui, avoir son intérêt dans cette traduction. Entre ces deux parties en confrontation il y a un clivage qui présente des particularités. En effet là où il serait possible d’attendre la honte il y a chez le mélancolique «  un épanchement importun trouvant satisfaction dans sa propre mise à nu. » Et un peu plus loin « Ainsi a-t-on la clé du tableau clinique dans la main dès que l’on reconnait les auto-reproches comme reproches adressés à un objet d’amour lesquels sont retombés de là sur le moi propre. » Et encore un peu plus loin « Alors même le comportement des malades devient maintenant beaucoup plus compréhensible. Leurs plaintes sont des plaintes portées contre conformément à l’ancien sens du mot. » La plainte au sens juridique. Tout semble donc se passer comme si ces patients traitaient, se traitaient comme un autre à qui ils auraient des reproches à adresser. Cette notation clinique est essentielle. Tout à l’heure il était question avec la patiente de Nicole Anquetil, Aimée, de ces plaintes. Plaintes qui l’amènent d’ailleurs à venir témoigner, comme devant un tribunal, pour y prendre un appui. C’est en cela que la structure de ce moi du mélancolique peut se lire comme un moi délirant. Nous avions, il y a déjà quelques temps, consacré du temps à cette question du délire, et à la suite de Schreber, nous avions pu mettre au cœur de ce tableau le repérage d’un moi délirant qui se caractérisait par un clivage. Dans son article sur le narcissisme- qui précède « Deuil et mélancolie »- Freud parle de ces deux instances du moi « l’Ideal-Ich »  et l’ « Ich-Ideal ». Deux instances, traduites par Lacan « Moi-idéal » et « Idéal du moi »,  qui ordinairement s’articulent et se nouent et qui ici, en se présentant dénouées,  organisent ce clivage. La clinique de la mélancolie a cet intérêt de venir déplier sous nos yeux la manière dont le moi se trouve constitué, son architecture mise à plat. Un pôle, une instance du moi, imaginaire, le « Moi-Idéal » et une instance symbolique, « l’Idéal du moi », ici, dans la mélancolie réarticulées par le travail délirant, mais cependant dénouées. Ce moi clivé ici décrit n’est pas sans nous rappeler une des caractéristiques du moi délirant. Nous avons déjà pu aborder cette question dans d’autres travaux. Pouvoir repérer ici une analogie de structure entre le moi du mélancolique et un moi délirant- spécifiée dans ce clivage- a toute son importance.  

     S’il ne peut s’agir chez le mélancolique d’une identification au sens fort de terme qui mettrait en jeu le nouage de ces deux instances, ou encore, pour le dire autrement, d’un nouage qui permettrait à ce trait symbolisant le manque forgé dans ce deuil de se trouver incorporé dans un travail d’écriture mettant en jeu la sublimation, de quelle opération s’agit-il, et comment la caractériser ? Qu’est-ce-qui amène le patient à faire sien ce qui lui revient directement de l’autre, à savoir ce statut de déchet ? Quelle est cette opération ?

     A la suite de la lecture de « Deuil et mélancolie » je suis allé lire le travail d’Abraham et je dois vous dire mon étonnement. En effet Abraham vient avec un mot, celui d’introjection, pour caractériser ce processus d’appropriation partielle qui ouvre sur un moi clivé. Ce terme est construit en opposition à celui de projection. A ma connaissance ce terme, n’est pas repris dans les travaux ultérieurs alors qu’il pourrait caractériser ce processus très particulier qui s’oppose au processus d’identification et qui met en place un moi clivé avec cette dissociation des deux instances d’un « Moi-Ideal » et d’un « Ideal de moi ». Cette introjection porte sur un trait qui va commander et relève de ce qui se propose comme un traumatisme. En effet si nous voulons bien y réfléchir cette opération relève d’un traumatisme. Quelque chose, un trait, s’impose du dehors que le patient ne peut que faire sien et introjecter. Cela lui est arrivé, cela lui est tombé dessus. Pas d’autre issue que faire sien ce qui est lui est arrivé et le prendre à son compte, même s’il faut s’en plaindre, et surtout s’il faut s’en plaindre.

      Par ailleurs nous savons comment l’hallucination auditive et motrice se caractérise par un propos injonctif qui prend régulièrement les couleurs de l’insulte et de la déjection. Le patient s’y

trouve en effet relégué à la place du déchet : crevure !, salope !, enculé !... Il y a donc une très grande proximité entre le moi délirant clivé et le moi du mélancolique tel que Freud en 1915 peut déjà le décrire.

     D’autre part nous pouvons noter que le processus même d’un internement bien conduit amène, en lui-même, une sédation. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ce fait insuffisamment souligné. En effet, si l’injonction qui soutient l’internement vient sur le même plan que l’injonction hallucinée- xénopathique- qui commande le patient,  le processus même de l’internement relève alors d’un processus civilisateur et l’on comprend beaucoup mieux la sédation qui peut s’en suivre. Le patient peut alors y trouver l’abri qui lui faisait jusqu’alors défaut et une garantie soutenue dans un lien transférentiel inaugural gros d’un futur travail à déplier. S’ouvre là la question du traitement de la psychose de leur psychothérapie.

     Si ces situations relèvent bien d’un traumatisme, de quelle opération sont-elles le produit ? Il y avait donc ce terme, il y a un siècle, qui circulait, celui d’introjection. Il me semble en effet que celui-ci pourrait caractériser avec justesse les enjeux d’une telle rencontre « traumatique » où le patient est amené à faire sien un trait prélevé sur cette rencontre imposée. Trait qui vient rappeler comment au lieu du non rapport sexuel qui n’est pas ici, chez ce patient, symbolisé, il y a du mur, de l « amur » aurait dit Lacan avec sa « lettre d’amur » ; époque où celui-ci avait dédoublé son séminaire de part et d’autre du mur, du mur de l’asile.

     Revenons plus précisément à cette opposition entre deuil et mélancolie repérée par Freud et mise au travail. Comment pouvons-nous la lire ? Si nous prenons en compte et si nous prenons appui sur les derniers travaux de Lacan sur la topologie borroméenne que serait-il possible de soutenir?

    Ce dont on peut s’apercevoir avec la mélancolie c’est qu’une fonction, celle en jeu dans le processus du deuil, est ici en défaut, est défaillante. Le défaut de cette fonction ne permet pas le jeu ordinaire de l’identification et Lacan très tôt, dés 1936, nous propose de concevoir la genèse de cette fonction dans ce moment structural qu’il nomme « l’identification spéculaire ». Cette image spéculaire, fondatrice pour le moi, se constitue dans un lien à un premier Autre, ici l’autre maternel. Ce i(a) prend en compte le lien symbolique à ce premier Autre. C’est de cette manière que Lacan articule cette genèse. Cette image, i(a), conserve la trace de ce lien sous la forme d’un trou dans l’image. Il sera amené par la suite à réarticuler plus précisément ces enjeux. Mais dés 1936 il fait ce pas, avec cette première articulation essentielle, qui nous donne déjà à entendre comment, avec la topologie borroméenne, il pourra soutenir que le moi est un trou. Or qu’est-ce qu’un trou ? Comment le concevoir, comment saisir un trou sinon par son bord. Nous sommes donc amenés à penser que le moi, si celui-ci est constitué par une série d’identifications qui viennent faire bord, est d’abord et avant tout caractérisé par le fait qu’il est une fonction; une fonction qui rend possible ces identifications et qui vient les ordonner. Et ce moi ne peut être saisi que par son bord, c’est-à-dire par les éléments d’identification qui prennent consistance en venant  décliner cette fonction et qu’en lui-même celui-ci est insaisissable puisqu’il n’est qu’un trou. Cette fonction ne serait alors pas autre chose que cette fonction susceptible de faire du trou, c’est-à-dire, encore avec la topologie borroméenne, celle qui noue les trois registres R, S et I, soit la « fonction nœud » elle-même. Cette fonction est celle qui noue par un travail d’écriture en donnant consistance au trait de l’absence et par là à un travail d’identification. Travail d’écriture qui porte sur la genèse d’une nouvelle consistance, d’une nouvelle commune mesure, qui met en jeu de la sublimation.

     Nous pouvons prendre un peu mieux la mesure de ce qui n’est pas possible pour le mélancolique et ce à quoi il se trouve introduit par le défaut de cette fonction. Et qui situe clairement la mélancolie du côté de la psychose. Pas de nouveau nouage, pas de nouvelle écriture possible, pas de nouvelle consistance. Seul un élément témoignant du traumatisme de la rencontre se propose à l’introjection avec sa consistance déjà constituée qui lui vient de l’autre en place « d’Ideal de Moi » avec la dimension xénopathique qui lui est afférente. Nous pourrions dire que là où cette fonction permet de l’écriture, donc une nouvelle indentification, son défaut amène le patient à prendre appui sur une écriture déjà là, avec sa consistance déjà établie dans le grand Autre. Il ne peut rien savoir, et ne peut rien prendre en compte de cette barre sur l’Autre qui  fait de l’Autre un lieu vide. C’est à ce prix qu’il constitue sa réalité délirante et qu’il prend une place dans l’ordre du signifiant.

      Pour conclure ces remarques je voudrais préciser les enjeux liés à ce travail d’écriture. En effet c’est seulement avec la topologie borroméenne que nous pouvons penser comment, si le réel ne cesse pas de ne pas s’écrire, avec le nœud borroméen ce réel cesse, de ne pas s’écrire. Avec cette corde du R dans le nœud un nouveau nouage se propose en renouvelant la place de l’impossible, lieu d’un réel qui ne cesse pas de ne pas s’écrire. C’est là, à cet endroit, que cette fonction, en nouant, s’avère être une fonction d’écriture par la prise en compte du non rapport sexuel dont le sujet, en ne cédant pas sur son désir, fait la rencontre. Et que s’ouvre ainsi la possibilité de l’identification…ou pire.

                           

 

 

 

                                   



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- Auteur : JEANVOINE Michel
- Titre : Une clinique de la mélancolie
- Date de publication : 06-03-2017
- Publication : Collège de psychiatrie
- Adresse originale (URL) : http://www.collegepsychiatrie.com/index.php?sp=comm&comm_id=175