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SAMAMA Eric. HAS et TOC.

nouvelle aberration



Docteur Eric SAMAMA Psychiatre/psychanalyste à

Mr le Président Laurent DEGOS de la HAS

PARIS, 20 novembre 06

Monsieur le Président,

Je vous fais une lettre, en tant que médecin psychiatre et médecin habilité,  après avoir reçu, probablement au même titre que les 120 000 médecins libéraux, 2 recommandations concernant « la santé mentale ».

A ce jour il n'existe que 14 recommandations dans cette discipline et ma surprise, pour ne pas dire mon indignation tient à l"objet de l’une d’entre elles étant donné le faible nombre de recommandations éditées par la HAS en matière de santé mentale. Il s’agit de la recommandation : « Troubles obsessionnels compulsifs résistants : prise en charge et place de la neurochirurgie fonctionnelle ». Il n’est pas question de discuter de la méthodologie qui semble conforme à ce qui m’a été enseigné mais d’interroger sa pertinence, ses références, si ce n’est son idéologie et son éthique.

Premièrement, je suis étonné de constater que 5 psychiatres seulement pour 14 neurochirurgiens ou neurologues aient participé au groupe de travail ; de même le groupe de lecture ne comprend que 6 psychiatres. Faut il en déduire que la psychiatrie d’ aujourd’hui est exercée par les neurologues ?

Deuxièmement, la pertinence de cette publication me paraît douteuse et discutable. En effet si le TOC est un symptôme fréquent et non rattaché à une pathologie précise, il y a sans doute d’autres recommandations et d’autres priorités dans le diagnostic et la prise en charge que celle d’une intervention chirurgicale mutilante. Le résumé un peu lapidaire à propos du traitement dit « conventionnel » mériterait d’autres développements. Par ailleurs les thérapies cognitivo-comportementales ne sont pas les seules thérapies à prendre en charge les TOC et n’ont pas, de façon comparative, démontré leur supériorité par rapport aux autres psychothérapies. Que signifie exactement une réponse dite « insuffisante » aux protocoles proposés ? S’agit- il là d’une réponse thérapeutique lente devant un danger supposé ou bien d’une question de coût dans la prise en charge d’une pathologie mentale, qui, les cliniciens le savent bien, nécessite parfois des années de traitement et non pas « 50 heures « comme le mentionne votre recommandation. L’indication du geste opératoire ne s’appuie sur aucune clinique en dehors de la référence à l’échelle Y-BOCS, ce qui peut paraître un peu restreint et réducteur au regard de la complexité du trouble obsessionnel compulsif.

Troisièmement, la recommandation évoque la guérison des troubles dans 20% des cas. Le concept de guérison en médecine est déjà délicat à manier, et quand il s’agit de psychiatrie... De plus,  la chirurgie est palliative et non curative et elle laisse toujours une cicatrice...

Quatrièmement, il n’est pas fait référence à des études comparant une intervention à une non-intervention, équivalent d’une étude versus placebo, discutable dans son éthique et modalités d’application mais nécessaire d’un point de vue scientifique.

Cinquièmement, la possibilité de poser l’indication d’une opération mutilante et irréversible à l’âge de 20 ans fait froid dans le dos. 20 ans ! Est-ce recommandable pour un médecin ?

C’est en tant que médecin psychiatre habilité par la HAS  que je souhaiterais obtenir de votre part des éclaircissements sur ces points et des précisions sur les orientations prises par la HAS dans ses choix sur l’abord de pathologies psychiatriques et de leurs prises en charge. Vous comprendrez aisément au regard de mes interrogations que je ne peux envisager de proposer une évaluation des pratiques professionnelles à un médecin ou un groupe de médecins psychiatres, mes collègues avant tout, à partir de ce genre de recommandations, si éloignées de leur quotidien et de leur pratique.

La psychiatrie, mais aussi, la médecine, proposent une approche plus globale de la souffrance, de la pathologie psychique, que cette approche symptomatique, voire fonctionnelle qui semble ne prendre en compte qu’une liste de symptômes et non un patient dans sa singularité

IL me parait important et je vous sollicite à cet effet,  de bien vouloir envisager la publication d’une recommandation sur le diagnostic et la prise en charge des TOC plus proche de notre pratique et conforme à notre éthique. Les recommandations me semblent s’adresser aux cliniciens et ont pour projet de servir au mieux leur pratique au quotidien. Pourquoi proposer une recommandation pour des cas extrêmes souvent dus à des pathologies connexes mal identifiées. La profession de psychiatres se désertifie. Faut-il contribuer à son extinction définitive ? Qui y gagnerait ?

Dans l’attente de vous lire, veuillez, Mr le Président,  croire en l’expression de mes salutations respectueuses.