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JEANVOINE Michel. Introduction aux journées


Avant d’entrer dans le fil de ces questions et dans le vif de nos discussions il est indispensable de préciser le lieu d’où nous parlons et d’où nous proposons ces journées autour de cette question « Qu’est-ce qu’un délire ?»

Que les quelques uns qui ici connaissent déjà le Collège de Psychiatrie veuillent bien me le pardonner mais il me faut dire quelques mots sur ce collège et sa courte histoire. En effet d’où vient-il et quels sont ses objectifs ? Pourquoi le Collège en quelque sorte?

Celui-ci rassemble depuis quelques années, comme l’usage malheureux et imposé par la loi le veut dorénavant, non des médecins, infirmiers, psychologues,… mais des professionnels de la santé mentale. Tous réunis, là, au Collège de Psychiatrie, pour essayer de donner à la clinique un autre destin que celle de sa mort annoncée et prendre la juste mesure de cette torsion engagée qui, par le biais d’un nouveau vocabulaire et d’une nouvelle sémantique, déplace l’acte médical tel qu’il était, depuis Hippocrate, engagé. Les enjeux en sont donc de taille, civilisationnel même, pourrais- je avancer.

Une clinique vivante- c’est-à-dire pouvoir nouer l’actualisation de la clinique d’aujourd’hui à l’enseignement de nos maitres en prenant en compte les points d’objection- tel est le programme de travail que se donne le Collège. Et celui-ci, en conséquences, s’organise autour de ces lieux essentiels à toute transmission de la clinique, des lieux de présentation clinique. Ces lieux sont véritablement les creusets où s’invente cette clinique vivante où la parole du patient, par sa prise au sérieux, fait enseignement pour chacun ; à sa manière. Le Collège soutient et encourage le développement de ces lieux qui, à chaque fois, ont une histoire singulière et qui sont, à chaque fois, le fruit d’un nouage singulier. Cette singularité n’est pas secondaire mais incontournable ; et donc à chaque fois précieuse et essentielle. Par les voies de cette singularité, par les voies de l’engagement de quelques-uns, un travail s’invente qui trouve, et trouvera toujours le soutien du Collège. Il y a aujourd’hui une petite dizaine de ces lieux qui inscrivent leur travail dans le cadre du Collège. Et si ce premier tour consiste à cet entretien entre un patient et un présentateur, un deuxième tour donne alors l’occasion à chacun de construire le cas en proposant sa lecture, ou mieux une lecture sachant prendre en compte les objections, donc les enseignements du cas. C’est précisément en ce point que se situe l’enseignement de la clinique: une manière de traiter, ou une manière de faire, avec l’objection. Et c’est dans le cadre de ce deuxième tour- de ce que nous appelons la « fabrique du cas »- que ce travail se déplie.

Il y a deux ans déjà, en ce lieu même, nous avions abordé cette question « Qu’est-ce qu’une clinique? » pour essayer de dégager ce qui la spécifiait. En effet, nous avions fait le choix de commencer par cette question qui s’imposait à nous. Nous avions pu faire le constat que la clinique était une construction, une construction du clinicien où celui-ci participait pleinement du tableau clinique. Et qu’à l’instar des physiciens, qui en prennent déjà à leur manière la mesure, l’observation est non seulement fonction de l’observateur et de sa position, mais fait une place à l’observateur. Ici, avec la clinique qui est la nôtre, pas de tableau clinique objectivé, objectivable et mesurable, sans une référence au clinicien. Ce qui invalide toute « clinique » fondée sur la comptabilité d’items. Ainsi il nous faut parler d’une clinique nécessairement signée : une clinique freudienne, lacanienne, bleulerienne,…. Cette signature organise le tableau clinique et vient en son cœur se rappeler à lui comme un ombilic. Prendre en compte ce lieu est la condition pour qu’une telle clinique reste vivante, au service de la vérité et donc du patient. Sans cet effort, de nature véritablement épistémologique, pas de sérieux possible dans la clinique.

C’est à cette question que nous avions consacré deux journées et aujourd’hui, deux ans après, la question de « Qu’est-ce qu’un délire ? » s’impose à nous. Pourquoi une telle question ? Pour plusieurs raisons, non seulement parce que celle-ci se pose directement depuis cette clinique qui est la nôtre mais parce que ce terme retrouve aujourd’hui l’usage affadi et dégradé qui était le sien auparavant. En effet comment caractériser un délire? Comment caractériser une réalité délirante? Ne pas partager la même réalité suffit-il à signer le délire de l’autre ; ou le sien d’ailleurs ? Ne souriez pas, cet usage simpliste et confortable a déjà pu faire des ravages et conduire quelques uns derrière les murs des hôpitaux psychiatriques d’état et pas seulement dans les régimes totalitaires. La force d’inertie de ce nous appelons les bons sentiments peut quelques fois les conduire vers des destins funestes. Il importe donc pour nous de reprendre ces questions, de faire le point sur ces questions et sur la manière dont celles-ci se sont posées jusqu’à nous et de faire avancer, si ceci est en notre pouvoir, la réflexion. En effet qu’est-ce qui caractérise une réalité délirante? Comment entendre un délire? Comment le lire, et tout d’abord relève t-il d’une lecture? Quels sont les traits qui le spécifient? Et quels repères y prendre? Comme vous l’entendez les pistes et les voies de travail seront nombreuses à s’ouvrir mais le travail du Collège n’est pas de fermer les questions mais plutôt de les ouvrir ; de les ouvrir avec chacun, à la place où il se trouve.

Ces journées s’ouvriront ce matin avec le travail de Jean GARRABE qui nous parlera de la psychopathologie descriptive des délires. Nous entrerons de plain pied dans ce qui fait l’histoire de cette psychopathologie. Et demain, puisque comme j’en faisais la remarque l’observateur fait partie du tableau, c’est à un autre type de psychopathologie que nous nous intéresserons et que nous pourrons alors qualifier de structurale.

Mais aussi je voulais souligner, et ceci est quasiment une première, la place faite cet après- midi à la question du délire chez l’enfant. En effet dans quelle mesure cette clinique est-elle susceptible d’apporter des enseignements à la clinique du délire chez l’adulte?

Dans deux ans se tiendront d’autres journées du Collège- dont le thème reste à définir- que nous engagerons comme celles-ci par quelques journées préparatoires. En effet celles-ci ont été préparées par trois journées, une première à Poitiers à l’automne 2010, une deuxième à Paris en février 2011, et une troisième à Ottignies, en Belgique à l’automne 2011.

De fait, ces journées de nationales sont devenues européennes ; il nous faut donc en assumer non seulement le titre mais les enjeux.